"J'ai préféré aller vers ce qui semble ignorer le passage du temps: les fleurs, l'amour dans sa première timidité, l'attente, la beauté d'un visage,
le silence, la longue durée...Toutes, des choses que la vie moderne petit à petit commençait à nous enlever, à nous voler"
Le journal Le Monde a
raison de citer ainsi Christian Bobin qui est mort ce 23 novembre 2022, car Christian Bobin s'est tourné volontairement du côté de la lumière enfouie dans l'ombre, du côté du noir lumière
de Pierre Soulages, du côté de la ferveur.
Son chemin, depuis La petite robe de fête, jusqu'au Muguet
rouge, aura été pour les lecteurs qui l'ont compris, un chemin exigeant, fait de la passion des mots, d'une poésie incarnée, de sensations affirmées. Il aura été la preuve que la douceur
est puissante et non mièvre. Dans l'émission La grande librairie qui l'avait invité seul, il avait pesé en conscience chaque réponse aux questions de François Busnel. Pas de place pour le mauvais
goût, les faux semblants, les sous entendus. C'était sa tonalité.
Son rire, quand il éclatait, était franc et sans arrière pensée. Il était ainsi pas autrement. Amoureux de la vie avec ses deuils.
Je l'ai lu, je me suis
parfois demandé s'il tiendrait la route (comme on dit) et puis j'ai été convaincue. J'ai mieux aimé Conques grâce à lui et l'ai amené avec moi auprès de Soulages. Je le lui avait écrit. Il répondait
toujours aux lettres.
Évidemment un tableau de Pierre Soulages qu'il vient de rejoindre, s'impose.
Cependant, quand je pense à sa vie au Creusot, à
son goût pour le silence, à cette intimité qu'il préservait, c'est à un Vermeer que je pense.
Ses
dernières lignes sont celles de la fin du Muguet rouge:
"Un petit manège tourne, allumé dans la nuit comme un
chagrin
merveilleux."