"S’ouvrir à la conscience de chaque jour, à sa densité sensible, à sa texture plus ou moins veloutée, à
son goût variable, jamais le même, jamais un autre, à ses touches de lumières plus ou moins vives, à sa singulière palette
de couleurs, à ses rencontres choisies ou surprenantes, à ses joies et à ses peines, à ses solitudes habitées ou désertées, à ses lectures, à ses émotions, à ses rires et à
ses larmes, à cet indéniable vivace et bel aujourd’hui, s’ouvrir donc pleinement au qui – vive, semble pouvoir ralentir le flux incessant dans lequel nous naviguons, et même si ce n’est
pas vrai puisque, las ! , nous passons et non le temps, nous nous
sentons alors uniques et unifiés, parties prenantes du vivant.
Cela ressemble à ces arrêts de jeux qui allongent la partie pour le plaisir
du spectateur et le nouvel enjeu des sportifs. Avant que les dés ne soient jetés, ils sont relancés. Il faut saisir sa chance chantait avec raison Johnny Halliday ! Les chansons, sans en avoir l’air,
n’ouvrent-elles pas des voies en créant des émotions ? Ainsi Christian Boltanski ne citait-il pas Charles Aznavour, Et pourtant, pourtant… ?
Et maintenant ? Chanterait Gilbert Bécaud !
Ce qui n’a l’air de rien a quelque chose qui peut donner des frissons.
« Rien ne veut rien dire » disait Jacques Derrida."
AM Carrère,in Nid d'abeille(inédit)