"… Ceux qui sont vieux dans le pays le plus tôt sont
levés
à pousser le volet et regarder le ciel, la mer qui change
de couleur
et les îles, disant
: la journée sera belle si l’on en juge
par cette aube.
Aussitôt c’est le jour ! et la tôle des toits s’allume dans
la transe, et la rade est livrée au malaise, et le ciel à
la
verve, et le Conteur s’élance dans la veille !
La mer, entre les îles, est rose de luxure ; son plaisir est
matière à débattre, on l’a eu pour un lot de bracelets
de
cuivre !
Des enfants courent aux rivages ! des chevaux courent
aux rivages ! … un million d’enfants portant leurs cils
comme des ombelles… et le nageur
a une jambe en eau tiède
mais l’autre pèse dans un
courant frais ; et les gomphrènes, les ramies,
l’acalyphe à fleurs vertes et ces piléas cespiteuses qui
sont la barbe des vieux murs
s’affolent sur les
toits, au rebord des gouttières,
car un vent, le plus frais de l’année, se lève, aux
bassins d’îles qui bleuissent,
et déferlant jusqu’à ces cayes plates, nos maisons,
coule au sein du vieillard
par le havre de toile jusqu’au lieu plein de crin entre
les deux mamelles.
Et la journée est entamée, le monde
n’est pas si vieux que soudain il n’ait ri…
*
C’est alors que l’odeur du café remonte l’escalier.
St John Perse
ELOGES p.49/50
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