"Si j’ai rencontré des professeurs déprimés, j’ai autour de moi
des tas d’amis qui sont enseignants, et qui sont heureux, et qui sont de vrais pédagogues, et qui aiment être dans une classe et qui aiment enseigner. Je dirais simplement : je suis convaincue que tout le monde n’est pas fait
pour enseigner. Il y a des jours où dans ma voiture, je me dis : 'Je n’ai pas envie de parler du tout. Je ne pourrai pas sortir un mot. Je n’ai qu’une envie, c’est de repartir chez moi.' Et en réalité, je crois
qu’on se fait une idée fausse des enseignants. On ne débite pas du cours ou des pensées comme du saucisson. Il y a des jours où on a envie de s’exprimer, et il y a des jours où on n’a pas du tout envie de
le faire. Mais on le fait quand même. Et les cinq premières minutes sont difficiles. Et alors on met une force, parce que pour bien enseigner, il faut y mettre de la conviction. Il faut avoir envie de communiquer. Alors cette envie, on l’a
ou on l’a pas, mais il faut faire comme si. Et parfois c’est fatigant ! Et puis après on oublie, on est content, et on fait son cours et on ne se rend plus compte que l’heure passe."
Elisabeth Badinter (France culture)
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"Un jour, en entrant dans la salle de cours, un cours d’agrégation,
je vois écrit ce que vous lisez : Ricœur, vieux clown. Et je me dis : je le laisse. Je ne l’efface pas. D’ailleurs certains étudiants étaient embarrassés. J’avais quand même dans la mémoire
les fous. Après tout c’est lui qui dit la vérité. Je suis aussi le clown de cette institution, qui est peut-être trop sérieuse. Et il faut une certaine distance ironique."
Paul Ricoeur (FC)