Et le visage, cette énigme ?
"Dans le miroir
les yeux rayonnent.
Je me souviens d’une situation, dans un groupe, où l’animateur thérapeute nous avait demandé de fixer les yeux de la personne
qui nous faisait face. Il s’agissait de plonger dans son regard. Les yeux-horizon qui me faisaient face étaient gris - bleu, avec cette étrange tonalité pastel des teinturiers née de l’isatis tinctoria,plante
à courte vie. J’ai plongé au plus profond des iris comme le bon nageur qui se pâme dans l’ondebaudelairienne. Au cœur du cœur, il n’y avait plus de mot. Aucun jugement. L’immensité
n’avait pas de limite, le bleu pastel se fluidifiait en réseaux mordorés, en pépites d’azur et je baignais dans un calme absolu, au plus clair d’un voyage de l’âme.
Cette amie mourut quelques mois plus tard d’un cancer.
Isatis tinctoria, la plante à courte vie, reste fichée
dans mon cœur.
Je t’ai vue, Suzanne, puis j’ai revu
ton visage - œuvre d’art.
François Jullien conclut « L’inouï » par ces mots :
« Soit l’Autre redevient l’inconnu qui échappe, ou bien s’enfouit dans le bien - connu qui ne dérange
plus. Soit affleure l’inouï de l’Autre. »
Ce
jour-là j’ai rencontré à jamais l’inouï de Suzanne, son éternité."
Anny C. (Fil rouge aux grains de grenade, à paraître 2020)