L'écriture poétique chinoise, ces sages fous de réalité!
" .(..) Signes gravés sur les écailles de tortue et les os de buffles (...) signes que portent sur leurs flancs les vases sacrés et les ustensiles de bronze, divinatoires ou utilitaires,
ils se manifestent avant tout comme des tracés, emblèmes, attitudes fixées, rythmes visualisés, indépendants du son et invariables, formant une unité en soi; chaque signe garde la chance de demeurer souverain et par
là celle de durer. Ainsi, dès l'origine, une écriture qui se refuse à être un simple support de la langue parlée, son développement est une longue lutte pour s'assurer une autonomie (...) Dès l'origine,
se révèle ce rapport contradictoire, dialectique, entre les sons représentés et la présence physique tendue vers le mouvement gestuel, entre l'exigence de la linéarité et le désir d'une évasion
spatiale (...) Y a- t -il lieu de parler de défi insensé et cela pendant quarante siècles? Il est permis de dire que par leur écriture, les Chinois ont tenu un pari singulier dont les poètes ont été les
grands bénéficiaires." François Cheng
TORRENT AU CHANT D'OISEAU
Repos de l'homme
Chute des fleurs de canneliers
Nuit calme de mars
Dans la montagne déserte
Surgit la lune
Effrayé l'oiseau crie
Échos des cascades printanières.
WANG WEI
&
Lorsque je me réveille, il y a le jardin,
un seul oiseau qui chante au milieu des fleurs
Je ne sais plus le jour, la saison, ni le temps.
Un loriot sans repos bavarde dans le vent.
Tant me touche son chant que je pousse un soupir.
Le vin est devant moi. Je m’en verse une coupe,
puis j’attends en chantant que la lune se lève,
et ma
chanson finie je retourne à l’oubli.
***
Li Po (701-762) – Traduit du chinois par Claude Roy