« Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes ont toujours
de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé. Leur principale qualité est non pas d’évoquer, mais d’inspirer. Tant de
poèmes d’amour sans objet réuniront, un beau jour, des amants. On rêve sur un poème comme on rêve sur un être.”
Paul Éluard, Donner à voir, Poésie/Gallimard, 1978 (1938)
LA
PAROLE
J'ai
la beauté facile et c'est heureux.
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers
Je suis devenue sentimentale
Je ne connais plus le conducteur
Je ne bouge plus soie sur les glaces
Je suis malade fleurs
et cailloux
J'aime le plus chinois aux nues
J'aime la plus nue aux écarts d'oiseau
Je suis vieille mais ici je suis belle
Et l'ombre qui descend des fenêtres
profondes
Epargne chaque soir le cœur noir de mes yeux.
Paul Éluard,
dans Répétitions (1922), repris dans Capitale de la douleur (1926)