"N’érigez aucun monument.
Laissez la rose simplement chaque année éclore
en sa faveur.
Car c’est cela Orphée.
Et sa métamorphose en ci et ça.
Ne nous donnons pas cette peine
de chercher d’autres noms.
C’est qu’une fois pour toutes, quand cela chante, c’est Orphée.
Il vient et
va.
N'est-ce donc pas déjà beaucoup, parfois, qu'il puisse
Aux roses dans leur vase un jour ou deux survivre?
Comme il doit s'effacer pour que vous le pensiez !
Même s'il redoute aussi cet effacement.
Alors que sa parole l'emporte sur sa présence, il est déjà situé où vous ne le
suivez.
Le cordage de la Lyre ne lui lie pas les mains. Et c'est en transgressant qu'il se soumet."
RM RILKE
Sonnets à Orphée
"Le mythe d’Orphée
/ Orphée magicien, lutteur qui a vu l’invisible… Le poète de Thrace, qu’il soit accompagné de sa lyre ou de sa
cithare incarne le génie de la musique, mais aussi l’emblème d’un idéal qui a inspiré tous les grands créateurs dès le Baroque, – et dès la fin de la Renaissance, la fusion harmonique entre
poésie et musique. Le texte, le verbe incarné, la prière et l’intention, car aucune note n’est valable si elle ne transmet pas un message… Le chant d’Orphée affirme la toute puissance du chant : voix signifiante,
voix charmante. Prophète et visionnaire, humain et amoureux, Orphée chante l’amour, l’ivresse de la passion, inspiré par un désir qui le dépasse et le fait tendre vers l’inconcevable : ressusciter par son
chant et la prière qui infléchit les dieux, celle qu’il aime (Eurydice, précédemment tuée par la piqûre d’un serpent). Son chant apaise, rassérène, tempère, séduit, captive, touche…
Chez Monteverdi (Orfeo, 1607), c’est l’émotion qu’ Orfeo suscite dans le coeur de Proserpine qui permet au poète d’émouvoir indirectement Pluton, le dieu des enfers. Proseprine supplie son mari Pluton de
répondre à la prière bouleversante du mortel au chant magicien."