« Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes
sont tous ceux qui diminuent notre puissance d'agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, le preneur d'âme ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les
pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser ou, comme dit Virilio*, d'administrer et d'organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle sur la vie : le manque à être qu'est la vie... On a beau
dire "dansons", on n'est pas bien gai. On a beau dire "quel malheur la mort", il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l'âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu'ils ne nous auront
pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien aimée, leur ressentiment contre la vie, l'immonde contagion. Ce n'est pas facile d'être libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance
d'agir, s'affecter de joie, multiplier les affects qui expriment ou enveloppent un maximum d'affirmations. » Gilles Deleuze(Extrait des Dialogues avec Claire Parnet).
(Virilio=*Penseur de la vitesse, urbaniste de génie. (Soyons des révélationnaires) https://www.franceculture.fr/personne-paul-virilio.html