SUR L'ABOLITION DE LA PEINE DE MORT EN FRANCE
Après cet extrait du Discours de Pelletier de St Fargeau lors de la première Assemblée Nationale, en 1791....
(...)"La peine de mort
emportant simple privation de la vie, peut paraître à quelques bons esprits devoir être conservée dans votre nouveau code. Mais ce que vous en bannirez sans doute, ce sont ces tortures dont la peine de mort était accompagnée
d'après nos lois anciennes. Le feu, la roue, des supplices plus barbares encore, réservés pour les crimes de lèse-majesté ; toutes ces horreurs légales sont détestées par l'humanité et par
l'opinion. L'Angleterre nous a donné l'exemple de les détruire ; il n'est pourtant aucun peuple qui ait prodigué autant que les Anglais, la peine capitale ; car presque tous les crimes la font encourir. Mais les Anglais ont éloigné
de cette peine tout ce qu'elle a d'atroce. Le condamné cesse de vivre, sans qu'une longue et pénible agonie excite et provoque la farouche curiosité du peuple. Ces spectacles cruels dégradent les moeurs publiques, sont indignes
d'un siècle humain et éclairé, la raison et la philosophie les proscrivent ; et en cédant au voeu de votre coeur qui vous presse d'en abroger l'usage, vous aurez, Messieurs, la satisfaction de réaliser un voeu public,
conçu et manifesté depuis longtemps.
PELLETIER DE ST FARGEAU 1791
Voici la fin du discours de Victor Hugo à l'Assemblée nationale , le 15 septembre 1848:
"(...) Savez-vous ce qui est
triste ? C’est que c’est sur le peuple que pèse la peine de mort. Vous y avez été obligés, dites-vous. Il y avait dans un plateau de la balance l’ignorance et la misère, il fallait
un contre-poids dans l’autre plateau, vous y avez mis la peine de mort. Eh bien ! ôtez la peine de mort, vous voilà forcés, forcés, entendez-vous ? d’ôter aussi l’ignorance et la misère. Vous
êtes condamnés à toutes ces améliorations à la fois. Vous parlez souvent de nécessité, je mets la nécessité du côté du progrès, en vous contraignant d’y courir, par un
peu de danger au besoin.
Ah ! vous n’avez plus la peine de mort pour vous protéger. Ah ! Vous avez là devant vous, face à face, l’ignorance
et la misère, ces pourvoyeuses de l’échafaud, et vous n’avez plus l’échafaud ! Qu’allez-vous faire ? Pardieu, combattre ! Détruire l’ignorance, détruire la misère !
C’est ce que je veux.
Oui, je veux vous précipiter dans le progrès ! je veux brûler vos vaisseaux pour que vous ne puissiez revenir lâchement
en arrière ! Législateurs, économistes, publicistes, criminalistes, je veux vous pousser par les épaules dans les nouveautés fécondes et humaines comme on jette brusquement à l’eau l’enfant
auquel on veut apprendre à nager. Vous voilà en pleine humanité, j’en suis fâché, nagez tirez-vous de là !"
VICTOR HUGO
1848
&
Et voici la fin du Discours de Robert Badinter à l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981
(M. le garde des sceaux. Monsieur
le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France
(....)Le choix qui s'offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d'assumer, au nom de ses valeurs fondamentales – celles qui l'ont faite grande et respectée
entre toutes – la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c'est le choix de l'abolition ; ou cette société croit, en dépit de l'expérience des siècles, faire disparaître
le crime avec le criminel, et c'est l'élimination.
Cette justice d'élimination cette justice d'angoisse et de mort, décidée
avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité.
[…]
Demain, grâce à vous, la justice française
ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes
de notre justice seront tournées.
À cet instant plus qu'à aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon ministère,
au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c'est-à-dire au sens de « service ». Demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort. Législateur français, de tout mon cœur, je vous en remercie."
ROBERT BADINTER 1981