EPHEMERIDE

"L'Amour c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur" PROUST

JULIA KRISTEVA
" Dans quel temps vivez-vous? Celui de vos projets ou celui de vos rêves? Du souci ou du plaisir? Du métro ou de la grève? De votre journal ou de votre religion?
Plus que jamais unifiés par l'information, les hommes n'ont jamais vécu des temporalités aussi disloquées,hétéroclites, inconciliables.
A la charnière du XIXème et du XXème siècles, Marcel Proust a recherché le temps perdu dans le temps incorporé du roman, répondant ainsi aux questions les plus actuelles. Ce dandy, ce malade, ce snob, a pensé et écrit une expérience du temps qui répond aux manques de la nôtre. Il nous apprend à perdre l'impatience, à retrouver les sensations sous les signes, à goûter la chair du monde. Et dans ce style hyperbolique qui est un succédané du chagrin, à réconcilier nos mémoires involontaires avec le déploiement de l'Être. Le temps proustien croise celui de l'histoire : les mutations sociales, l'Affaire Dreyfus, la Première Guerre mondiale, l'antisémitisme, l'identité nationale. Juif et catholique, ni l'un ni l'autre, Proust écrit en moraliste une des fresques les plus complexes de cet univers qui sort de La Bruyère, Sévigné et Saint-Simon pour basculer déjà dans la société de l'éphémère. Mais c'est un moraliste insolite, qui éclaire d'une impitoyable ironie nos vices les plus dérobés, nos amours les plus infantiles. Tissé de perceptions et de fantasmes, ce temps proustien - qui n'est ni celui de Bergson ni celui de Heidegger - devient sensible. À l'imaginaire avide du lecteur, le narrateur offre l'appât savoureux de ses personnages : Swann et Odette, Bloch, Oriane, Verdurin, Albertine, Charlus, dont cet essai aide à retrouver les caractères mêlés aux paysages, églises, dalles et aubépines. Pourtant, dans les plis de longues phrases, dans le cumul des brouillons et des lettres, dans la cruauté et le ridicule des passions, l'insignifiance des amours et le néant des êtres brusquement s'imposent. Les personnages se contaminent et se brouillent, une profondeur secrète les attire. Telle la madeleine trempée dans le thé, ils perdent leur contour absorbé par le style. Ces héros, ces visions, fruits d'une imagination dont Proust disait qu'elle était son seul organe pour jouir de la beauté, finissent par nous laisser un goût, un seul, âcre et tonique : le goût de l'expérience littéraire. Du roman comme thérapie, comme transsubstantiation."
PROUST/La Prisonnière/Kristeva:le temps sensible.

Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions .
Ecrire , crypter ce vécu , cette traversée .....

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces deux piliers de la vie - Merci Annie de si bellement nous le rappeler.

25.01 | 06:56

MAGISTRAL, DEVOS

06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie,

Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai jamais réussi à lire, je vais essayer à nouveau avec "l'Homme au trois lettres".

marc