« Si je veux vivre, je dois oublier que mon corps est historique, je dois me jeter dans l’illusion que je suis contemporain des jeunes corps présents, et non de mon propre corps passé. Bref, périodiquement je
dois renaître, me faire plus jeune que je ne suis.
[…] J’entreprends de me laisser porter par la force de toute vie vivante : l’oubli. Il est un âge où l’on enseigne ce que l’on sait; mais il en
vient aussi un autre où l’on enseigne ce que l’on ne sait pas : cela s’appelle chercher.
Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler
le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversés.
Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que
j’oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie :
Sapientia.
Nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse, et le plus de saveur possible.
»
ROLAND BARTHES