"Nos destins nous mènent, et la première heure de notre naissance a réglé tout le temps qui nous reste à vivre. Une cause
dépend d’une autre cause ; un ordre de choses éternel détermine la vie privée et la vie publique. C’est pourquoi il faut tout supporter avec courage ; c’est que rien ne survient par hasard, comme nous le croyons
; tout vient à son heure ; avant le temps a été décidé ce qui te réjouit ou te fait pleurer ; et bien que la vie de chaque homme se colore en apparence de grandes variétés qui les distinguent, le tout
se résume au même point : passagers, nous avons reçu des biens passagers. Pourquoi donc s’indigner ainsi ? De quoi nous plaignons-nous ? Nous sommes nés pour cela. Que la nature use, comme elle veut, de corps qui sont à
elle. Pour nous, toujours joyeux et courageux, pensons que rien ne périt de ce qui est vraiment à nous. Qu’est-ce qui appartient à l’homme de bien ? C’est de s’offrir au destin. (…) Des caractères
paresseux, enclins au sommeil ou à une veille semblable au sommeil, sont tissés d’éléments inactifs. Pour faire un homme qui mérite le respect, il faut un destin plus puissant ; il n’aura pas devant lui une route
unie ; il lui faut sans cesse monter et descendre, se faire ballotter par les flots, et gouverner sa barque dans une mer agitée, il lui faut aller à contre-courant de la fortune. Il arrivera bien des passes difficiles et rudes, il les adoucira
et les aplanira de lui-même."