EPHEMERIDE

"...Dire ce qui m’aide en ce moment à résister aux troubles de mon cœur et du monde, à ne pas « jeter la vie », à ne pas « lui dire non » comme l’écrit Charles Juliet dans Moisson, en cédant à la tentation du néant et de l'absurde, est salutaire.  Redéfinir mes fondations et à formuler explicitement, et pas seulement intuitivement, comment la littérature, les arts, et surtout la poésie qui a toujours été cette « forme de communication singulière » (1) avec l’autre, font appel à toutes les forces de la vie en moi quand « la mort », quelle que soit sa figure, blessures anciennes, maladie d’Alzheimer ou attentats, « vient réclamer son dû » (2).

Regarder, écouter, écrire et lire répondent à un désir d’amour et de beauté couplé à une nécessité de comprendre. La quête du sens, aujourd’hui comme jadis, nous habite tous, même si elle emprunte pour certains des chemins dévoyés. L’humain, « étoile de sang sur le front…dans le cœur », n’en finit pas de s’égarer, de (se) martyriser et d’oublier. La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement de Svetlana Alexievitch que je suis en train de lire est une véritable leçon car les vingt histoires, « où il est question des ténèbres du mal, des frères et des sœurs, des bourreaux et des victimes, et de l’électorat, de Dieu au nom de qui on tue, du bonheur et du silence de la poussière », résonnent étrangement avec nos interrogations d’aujourd’hui. Eternel présent de la littérature qui nous fait sentir et penser, connaître en sa vérité le double visage de l’homme. Même s’ils n’empêchent pas la chaîne des horreurs, chaque art nous montre aussi la voie « d’une autre vie possible que l’on peut construire à partir de celle-ci ».


Et comme chaque fois que me taraudent de grandes angoisses, c’est bien la lecture, la marche et l’écriture, qui pour moi habitent un même lieu, qui me rendent à la respiration. La contemplation du paysage et le souffle de la langue rythment la pensée et aiguisent la conscience d’appartenir à un univers qui me contient. Un flux de ferveur et de mélancolie m’étreint, soulevant la pesanteur atroce du monde. L’écriture irriguée prend de nouveau toute la place, même « en ces temps de détresse ». Elle n’oublie rien de la laideur, des désastres et des souffrances, dehors-dedans, elle peut les prendre en charge et me garder dans l’espérance. La marche qui accompagne pour moi souvent le plaisir de lire induit le geste d’écrire : « …Pour dénouer les voix qui expriment/ une absence, et qui ont foi malgré nous / en la furtive éternité du face à face… » (3), tout poète a la sienne. Ces jours-ci les mots nouvellement arrivés de Pierre Dhainaut et aussi les vers de François Cheng, je les entends comme « une annonciation ». « Que les cris de nos morts se mêlent aux nôtres/que nos cris saccadés se changent en chant, /…/ Il nous faut apprendre à durer/ jusqu’à ce que nous reviennent /Les instants de promesse et de tendresse… » (4). N’appartiennent-ils pas à « la voix intarissable » du poème, « celle que toute âme-chair retiendra » ?"

Sylvie fabre G.

elise 12.01.2016 23:43

merci,merci,merci,
c'est magique d'écouter les mots qui expriment mieux que je n'aurais su le dire,par quels chemins la vie me guide en ce moment...

Anny C. 13.01.2016 09:43

Merci à toi Elise pour la communion d’idées

Anny C.

Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions .
Ecrire , crypter ce vécu , cette traversée .....

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces deux piliers de la vie - Merci Annie de si bellement nous le rappeler.

25.01 | 06:56

MAGISTRAL, DEVOS

06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie,

Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai jamais réussi à lire, je vais essayer à nouveau avec "l'Homme au trois lettres".

marc