EPHEMERIDE

"« [...] Je suis surtout attiré par l'éthique éthique politique de Mauriac. Visite classique du jeune écrivain à Malagar , donc, puis nombreuses rencontres à Paris, avenue Théophile Gautier, ou, pour dîner, chez Calvet, boulevard Saint-Germain. Tout le monde sait que la conversation de Mauriac était éblouissante. Pour moi, à ce moment-là, il est d’abord quelqu’un qui a connu Proust, qui allait le voir chez lui vers 2 heures ou 3 heures du matin, retrouvant ainsi le grand hibou du Temps allongé dans son lit, les draps tachés d’encre. La dévotion de Mauriac pour Proust : « Vous comprenez, un jour, le soleil s’est levé, plus rien n’a existé. Moi, j’ai remis ma copie. »

Il écrit son « Bloc-Notes » assis sur un petit lit, Mauriac, papier sur ses genoux, à l’écoute. Il est incroyablement insulté à longueur de temps, et il y répond par des fulgurations et des sarcasmes (ressemblance avec Voltaire, après tout). Il est très drôle. Méchant ? Mais non, exact. Sa voix cassée surgit, très jeune, la flèche part, il se fait rire lui-même, il met sa main gauche devant sa bouche. Homosexuel embusqué ? On l’a dit, en me demandant souvent, une lueur dans l’ ?il, si à mon égard, etc. Faribole. Mauriac était très intelligent et généreux, voilà tout. Fondamentalement bon. Beaucoup d’oreille (Mozart), une sainte horreur de la violence et de sa justification, quelle qu’elle soit. Les sujets abordés, après les manipulations, les mensonges et les hypocrisies de l’actualité ? Proust, encore lui, et puis Pascal, Chateaubriand, Rimbaud. Les écrivains sont étranges : avec Ponge, je suis brusquement contemporain de Démocrite, d’Epicure, de Lautréamont, de Mallarmé. Avec Mauriac, de saint Augustin, des « Pensées », d’« Une saison en enfer ».

Philippe Sollers,
Un vrai roman, 2007, p.62.

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Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions .
Ecrire , crypter ce vécu , cette traversée .....

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces deux piliers de la vie - Merci Annie de si bellement nous le rappeler.

25.01 | 06:56

MAGISTRAL, DEVOS

06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie,

Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai jamais réussi à lire, je vais essayer à nouveau avec "l'Homme au trois lettres".

marc