"A Birkenau, une mourante m'a fait signe: ouvrant sa main qui contenait quatre petits bouts de pain moisi, d'une voix à peine audible, elle m'a dit: "Prends. Tu es jeune, tu dois vivre pour témoigner de ce qui se passe ici.
Tu dois le dire pour que cela n'arrive plus jamais dans le monde." J'ai pris ces quatre petits bouts de pain, je les ai mangés devant elle. J'ai lu dans son regard à la fois la bonté et l'abandon. J'étais très jeune,
je me suis sentie dépassée par ce geste et par la charge qu'il sous-tendait.
J'ai longtemps oublié cet événement.
En 1978, Darquier de Pellepoix a dit: "A Auschwitz, on n'a gazé que
des poux." La perversion de cette parole m'a révoltée et fait remonter en moi la mémoire du geste de cette femme. J'ai revu son visage. Je ne pouvais plus me taire."