"« Le fil d'Ariane, c'est la recherche.
Pierre Le Pillouër me suggérait que comprendre, c'est aimer,
et je songeais aux trois directions que peut prendre ce verbe chez les Grecs :
l'Éros, la philia (l'amitié), et l'agapè (plus spirituelle).
L'Éros est disponible au charme, la philia à l'altérité (le fameux "parce que c'était lui, parce que c'était moi"), l'agapè au mystère.
Trois manières plus ou moins distinctes de dire (et de vivre) l'autre, avec ou sans majuscule : d'aller à la rencontre de l'étonnement.
C'est ce qui se passe dans la lecture, qui est une activité supposant une disponibilité critique (oxymore ?).
Ce n'est donc pas d'elle que parle Michaux : "ce que naïf, soumis, tu t'es laissé mettre dans la tête", plutôt des savoirs appris et répétés, dégurgités à peine ingurgités, sans rumination.
Nous sommes ce que nous mangeons, mais nous choisissons notre alimentation selon nos activités, nos goûts, nos habitudes, notre entourage...
Un lecteur n'est pas une oie qu'on gave.
"Ce que nous comprenons nous appartient", disait Sartre.
Il faudrait ajouter que ce qui nous appartient nous échappe, nous prend au dépourvu, nous étonne.
Et que "la prisonnière" devient "la fugitive" ("Albertine disparue" chez Proust).
L'écrit est un oiseau rebelle... (air connu). »
"
Citation de FRANCOIS HUGLO