FIN DE LA SCENE1, ACTE1
PHILINTE
Mais cette rectitude
Que vous voulez, en tout, avec exactitude,
Cette pleine droiture où vous vous renfermez,
La trouvez-vous ici, dans ce que vous aimez ?
Je m’étonne, pour moi, qu’étant, comme il le semble,
210 Vous, et le genre humain, si
fort brouillés ensemble,
Malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux,
Vous ayez pris, chez lui, ce qui charme vos yeux :
Et ce qui me surprend, encore, davantage,
C’est cet étrange choix où votre
cœur s’engage.
215 La sincère Éliante a du penchant pour vous,
La prude Arsinoé vous voit d’un œil fort doux :
Cependant, à leurs vœux, votre âme se refuse,
Tandis qu’en ses liens Célimène l’amuse,
De qui l’humeur coquette, et l’esprit médisant,
220 Semblent si fort donner dans les mœurs d’à présent.
D’où vient que leur portant une haine mortelle,
Vous pouvez bien souffrir ce qu’en tient cette belle ?
Ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
Ne les voyez-vous pas ? ou les excusez-vous ?
ALCESTE
225 Non, l’amour que je sens pour cette jeune veuve,
Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve ;
Et je suis, quelque ardeur qu’elle m’ait pu donner,
Le premier à
les voir, comme à les condamner.
Mais, avec tout cela, quoi que je puisse faire,
230 Je confesse mon faible, elle a l’art de me plaire :
J’ai beau voir ses défauts et j’ai beau l’en
blâmer,
En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer ;
Sa grâce est la plus forte, et, sans doute , ma flamme,
De ces vices du temps pourra purger son âme.
PHILINTE
235 Si
vous faites cela, vous ne ferez pas peu.
Vous croyez être, donc, aimé d’elle ?
ALCESTE
Oui, parbleu ;
Je ne l’aimerais pas, si je ne croyais l’être.
PHILINTE
Mais si son amitié, pour vous, se fait paraître,
D’où vient que vos rivaux vous causent de l’ennui ?
ALCESTE
240 C’est qu’un
cœur bien atteint veut qu’on soit tout à lui ;
Et je ne viens ici, qu’à dessein de lui dire
Tout ce que là-dessus, ma passion m’inspire.
PHILINTE
Pour moi,
si je n’avais qu’à former des désirs,
La cousine Éliante aurait tous mes soupirs,
245 Son cœur, qui vous estime, est solide, et sincère ;
Et ce choix plus conforme, était
mieux votre affaire.
ALCESTE
Il est vrai, ma raison me le dit chaque jour ;
Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour.
PHILINTE
Je crains fort
pour vos feux ; et l’espoir où vous êtes,
Pourrait...