Chers amis,
Le feu des roux de l’érable
du jardin console mon regard de l’été qui s’en va tout doucettement, déposant des filtres de lumière dans mes yeux et des gris neufs tachetés de poudre aux paillons d’or.
Bercé par l’éternelle marée océane, s’en va l’été on ne sait où.
Maintenant, la queue de sa comète
balaie les sables affadis et l’âpre poussière aux herbes lasses des champs moissonnés, célèbre le Fauvisme en tous lieux, puis caresse les vignes repues pour se faire la belle.
Maintenant, la déclinaison des verts accuse le coup de pinceau, approfondit l’espace, hésite devant le glauque, se moque du gazon jauni, se désaltère de menthes à l’eau, de menthe tout
court, se régalant d’olives et de kakis, chantant la poésie des tilleuls…
Où es-tu Véronèse ? Quel poison de saison prépares-tu ?
Mais ici, les jeux ne sont pas faits, la saison s’alanguit, les plumeaux rose fuchsia du lilas des Indes dansent dans la douce sculpture de son tronc cannelle et des bouquets de roseaux
récitent dans le vent, une fable musicale à leur voisin le chêne dont les glands nourrissants ne sont pas encore bien nés.
Rien ne presse.
Ici, on garde au cœur les bleus Klein de l’été et les persiennes closes, on laisse la penderie ouverte aux soies légères et les lits sont encore défaits.
On triche un peu, on a le temps, on l’étire, et le chat regarde les poissons qui tètent la surface de l’eau, avec délectation.
Le
héron veille.
Vous coassez, grenouilles, en lisant la météo !
Cuisses musclées, vous sautez
dans cette fin d’été, jouets des ronds qui oscillent dans l’eau!
Il pleuvra bien demain, sans aucun doute, et les verts arboreront leur ceinture marron…Il
faudra bien nous y faire, consolés par la saveur de la châtaigne sucrée, du cèpe ciré et des accords des violons du poète.
L’automne se faufilera,
portant les feux de l’érable dans le feu de l’âtre, enveloppera de ses brumes nos aubes familières, laissera des perles de rosée au cœur des mandalas arachnéens, arrachera le furet à sa tanière…
Oh ! Ce ne sera pas la belle saison pour le gibier !
Il y aura cependant du vin nouveau et des pommes, des noisettes dans la gueule des écureuils, des touffes de bogues en
houppettes, des sentiers qui perdront le nord dans des forêts de fougères et des amoureux dans les clairières.
Il y aura aussi des trouées de lumière
blanche, des lunes rousses et des brindilles serpentines, des escargots dans les enterrements de feuilles mortes et Prévert parmi eux. Les cigales se tairont et, dans le silence revenu, les fourmis bâtiront des Taj Mahal.
Les amoureux de la clairière piétineront-ils ce mausolée pour leur amour?
Des chercheurs de champignons marcheront à l'aveuglette et la
terre toute retournée, craintive, se cachera dans des sillons de glaise.
La braise rougira dans les foyers, saisira des grillades saignantes, enflammera les imaginations, portera des
toasts à la saison nouvelle dans l'inconscience des lendemains...
En attendant, l'été se traîne en longueur, sonne aux portes, enclenche les alarmes, ne veut pas mourir,
fait des signes désespérés, ne veut pas céder sa place, trépigne et fait le beau.
Dans mon regard, brille une lueur de compassion…
- Je vous paierai me dit-il, avant l’Oût, foi de saison !
Mais mon téléphone sonne :
- C’est l’automne, lui dis-je, au revoir, à l’an prochain !
Car que dire à l’été
sinon bonjour l' automne ?