-« Cueillez si m’entendez, n’attendez à demain,
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie… »
Ce qui est merveilleux, en vieillissant, vois tu Ronsard, c’est le pouvoir d''admirer les pivoines de la vie !
Je t’assure que vieillir c’est rajeunir !
Ecoute le récit de cette brève soirée
de printemps qui en est la douce preuve :
- Dans le jardin, enfin inondé de lumière, ce fut comme l’apparition de Madame Arnoux à Frédéric, comme le cactus rose qui retint Sido ou comme la joie qui
surgit contre toute attente !
Nous avons, une amie de bien et moi, célébré ce moment fugitif où la pivoine a daigné venir dans le jardin, telle la tortue qui émerge fièrement de sa torpeur hivernale !
Le bouton s’était d'abord niché dans les feuilles de la plante lunaire comme l’oisillon dans le nid tout là-haut dans la glycine ; puis, il a regardé autour de lui au cas où une fourmi ou mille auraient
trop d’appétit pour lui ; rassuré il a mis sa robe de fête pour faire le beau. Cette robe, d’abord froissée comme une ingrate parole, fut repassée de façon experte à la patte mouille de
la rosée, en suivant avec application ses plis dans des valses de joyeux pétales.
La pivoine, vierge sage , vierge folle, enfin prête, s’est offerte, magnifique, à nos regards charmés.
Les oiseaux de passage,
le moindre brin d’herbe et la Chine toute entière se joignirent à nous pour lever, sans vergogne, un verre pétillant de merlot des Hauts de Talmont, au plus intime de cette minute printanière. Quelques sushis, une note de
Mozart, les carpes koï, les tulipes et le lilas entrèrent dans la danse de la nuit bleue de Zao Wu Ki, embrassant à la fois notre Humaine présence, la fidèle Nature, le mystère de l’Art qui, quoi qu’il en
soit des vagues à l’âme vivent à l’unisson des temps.
Veux-tu, Ronsard fêter avec nous ce temps qui, comme l’amour, persiste et signe au-delà de l’âge dans des cycles qui nous émeuvent
jusqu’à l’émerveillement ?