Au fil des mots

EPHEMERIDE

Si, comme moi, vous avez écouté le concours de lectures à voix haute sur France 5 hier au soir, vous aurez été transporté(e) sur le plan juste de la transmission. 

L'un des membres du jury, en écoutant lire le texte ci-dessous a dit: "Il s'est passé quelque chose"

Voici ce texte de Jean-Pierre Siméon, extrait de Stabat mater furiosa, il mérite d'être relu à voix basse!

"Ma prière 

voilà comment commence ma prière

j’aime que le matin blanc pèse à la vitre 

et l’on tue ici

j’aime qu’un enfant courant dans l’herbe haute vienne à cogner sa joue à mes paumes 

et l’on tue ici

j’aime qu’un homme se plaise à mes seins et que sa poitrine soit un bateau qui porte dans la nuit 

et l’on tue ici

j’aime qu’on bavarde à la porte du boulanger quand il n’y a d’autre souci que le bleu du ciel étendu sous la théorie des nuages 

et l’on tue ici

j’aime qu’à quelques-uns on s’ennuie paisiblement à observer le vent dormir sur les toits de la ville 

et l’on tue ici

j’aime qu’on bâtisse une fleur pour la fleur dans le loisir insipide du jardin 

et l’on tue ici

j’aime que la pierre roule dans la rivière et que cela fasse un bruit de clarinette 

et l’on tue ici

j’aime que les heures ne soient que le temps qui passe pour faire les heures 

et l’on tue encore ici encore

et voilà comment continue ma prière

êtes-vous là encore êtes-vous là mangeurs d’ombres

je crache

je crache sur l’homme de l’homme de guerre

je crache sur le guerrier de la prochaine 

de la prochaine guerre

qui joue aujourd’hui avec son ours en peluche les ailes des mouches et la poudre rouge et bleue des papillons

je crache sur l’esprit de guerre qui pense et prévoit la douleur

je crache sur celui qui pétrit la pâte de la guerre 

et embrasse son sommeil quand on cuit la mort au four de la guerre

je crache sur le ruisseau de sang qui tombe des doigts du vainqueur

comme un mouchoir par mégarde tombe au caniveau

je crache sur celui qui fait d’un corps de femme une chair ouverte 

une chair bleue qui était blanche

couverte de guêpes qui était faite pour le baiser

déchirée qui était comme une soie pour le soleil

je crache sur la haine et la nécessité de cracher sur la haine

homme de guerre je te regarde

regarde-moi

je te dis regarde-moi..."

Pour réécouter l'émission aller sur

https://www.france.tv/france-5/si-on-lisait-a-voix-haute/2522839-la-finale.html 

Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions . Ecrire , cry...

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces de...

25.01 | 06:56

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06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie, Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai ...