Au fil des mots

EPHEMERIDE



Tout ce qu’on peut

On ne peut pas tenir entre ses mains la vie
D’un homme comme on tiendrait une valise pleine,
Comme on tiendrait un fagot de branches mortes,
Comme on tiendrait une pile de draps blancs,
Un panier de cerises, une corbeille de reines-claudes,
Comme on tiendrait dans son regard du haut
De la montagne tout un pays avec ses fleuves,
Avec ses collines désirables, ses plaines
Bien tracées ; on ne peut pas tenir entre
Ses mains la vie d’un homme tout entier,
De sa chute dans le temps, à sa chute
Hors du temps, de son entrée dans la lumière
À sa sortie de la lumière
À sa sortie de la lumière on ne peut pas.
Tout ce qu’on peut c’est
Redire deux ou trois mots qu’il avait coutume
De dire au moment de se jeter dans le vent,
Manger les miettes du pain qu’il mangeait en partant,
Repasser son regard entre les rives où
Son regard passait, parce que c’était là
Que ses mains tenaient le pays tout entier,
Comme un fagot de branches sèches,
Comme une pile de draps blancs bien repassés,
Comme un panier de cerises, c’était là que,
Tombé dans le temps, il mettait sa vie
Dans ses mains comme on remplit toute
Une corbeille de reines-claudes, cela
C’est tout ce qu’on peut pour le moment.



Pierre Présumey, Tout ce qu’on peut, Éditions Hauteur d’Homme, 2015, 12 €.

PIERRE PRESUMEY

Commentaires

06.04 | 06:20

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