Au fil des mots

EPHEMERIDE

Acis

Que dites-vous ? Comment ? Je n’y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? J’y suis encore moins.
Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu’il fait froid : que ne disiez-vous : « Il fait froid » ?
 Vous voulez m’apprendre qu’il pleut ou qu’il neige ; dites : « Il pleut, il neige ». Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m’en féliciter ;
 dites : « Je vous trouve bon visage. »

— Mais répondez-vous cela est bien uni et bien clair ; et d’ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ?
Qu’importe, Acis ? Est-ce un si grand mal d’être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ?
Une chose vous manque, Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs de phébus ; vous ne vous en défiez point, et je vais vous jeter dans l’étonnement : une chose vous manque, c’est l’esprit.
Ce n’est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l’opinion d’en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien.
Vous abordez cet homme, ou vous entrez dans cette chambre ; je vous tire par votre habit et vous dis à l’oreille : « Ne songez point à avoir de l’esprit, n’en ayez point, c’est votre rôle ; ayez, si vous pouvez, un langage simple,
et tel que l’ont ceux en qui vous ne trouvez aucun esprit : peut-être alors croira-t-on que vous en avez. »

Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions . Ecrire , cry...

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces de...

25.01 | 06:56

MAGISTRAL, DEVOS

06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie, Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai ...