Chers amis,
Se lever très tôt, c’est accorder le silence de l’aube à l’intime vibration, c’est tendre l’oreille à
la vie qui frappe aux grandes portes de la nuit.
Quand le noir se fait gris velours, participer au ballet des étoiles, c’est fêter
l’indicible dans les mots et faire des bouquets d’étranges notes.
Quand le silence se révèle en noir et blanc
sur la pellicule du temps, l’heure ne compte pas, l’horloge respire à son aise et le calme règne
comme un grand cerf dans la forêt des contes ; un concerto se joue à l’intérieur de soi.
Vous le savez bien sûr, quand cet espace temps enveloppe les objets familiers, sa matrice nourrit chaque goutte de son.
Il est une heure pleine. Avant elle, la lourde nuit est close.
"Rien
ne bouge au front des palais » écrit Rimbaud, de Ce Tout qui s’anime dans l’ombre.
A l’heure dite, Irrawaddy
grand ouvert, elle se donne à la mer d’Andaman.
Là, les mots comme des dauphins folâtrent dans les alluvions fertiles
déposées sur les berges.
Liberté de l’aube.
Innocente lame de fond.
Troublé de tant d’ardeur, le ciel fait un ballet de soies de verre fragiles
et changeantes.
Comme ce doit être gai de vivre une aube à Murano où la danse se mire dans la lagune !
Mais
partout, n’est-ce pas, les aubes sont propices plus que « navrantes »!
Le jour qui s'offre à nous qui sommes
matinaux, est tout ébouriffé : tel un enfant venant au monde, il naît dans des feux solaires et des rouges sang. Encore empreint de pur silence, joyeux, ni accablé de mémoires anciennes, ni lourd de peines, il ne
baille ni ne rompt. Il chante. Engageant, régénéré, il dépose le monde dans nos bras, avec ses lumières vives, ses ombres portées, sa complainte, sa fureur et ses surprenantes rencontres du réel
présent.
Il faut tisser et tisser encore la fibre énigmatique, puiser dans le cœur de la nuit la naissance du jour.
Se lever très tôt c’est déjouer la mort.
Carpe noctem, chers amis!
Anny C
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